Au Québec, des Français inventent le premier "Google 3D"

VyoO, une start-up implantée à Montréal depuis 2017 vient de remporter l'un des Prix de reconnaissance de la "réussite française au Canada".

Pandémie oblige, la célébration a été virtuelle - mais la fierté des lauréats, elle, n'en a pas été moins réelle. Ce 18 juin, la Chambre de commerce et d'industrie française au Canada (CCIFC) a organisé la deuxième édition de sa cérémonie de remise des "Prix de reconnaissance", un événement destiné à saluer les meilleures réussites d'entreprises des deux côtés de l'Atlantique.  

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Dans la catégorie "Réussite française au Canada", l'organisation, qui oeuvre au développement d'affaires entre la France et le pays à la feuille d'érable, a décerné trois récompenses : l'entreprise nordiste Chocmod, qui produit depuis 2011 des truffes en chocolat pour le marché nord-américain dans son usine de St-Jean-sur-Richelieu, a été honorée dans la catégorie PME ; pour le volet "grands groupes", c'est Soprema, qui dispose depuis deux ans à Sherbrooke d'une usine de panneaux isolants, qui a décroché la palme. Enfin, du côté des start-up, la distinction est revenue à la compagnie Applications Mobiles Overview Inc, une jeune pousse spécialisée dans la reconnaissance 3D qui a développé la marque VyoO (prononcez "view") - et qui se distingue par son parcours original. 

"Le prolongement de ce que font l'oeil et le cerveau"

Pour cette start-up née en France mais qui a choisi le Québec pour se développer, tout a commencé... en Nouvelle-Zélande, en 2012. "À l'occasion d'un trek, nous nous sommes retrouvés face à une essence d'arbre que nous ne connaissions pas et nous nous sommes demandé quel était le meilleur moyen de la reconnaître, raconte Lionel Le Carluer, l'un des trois fondateurs - avec sa compagne Danaë Blondel et leur ami Laurent. A l'époque, deux modes de recherche existaient : une recherche contextuelle, en décrivant sa requête (je me souviens que celle-ci générait 1,462 million de résultats !) et une recherche visuelle au travers de la 2D. Celle-ci n'amenait pas non plus grand-chose, à part une foultitude d'images d'arbres qui ne correspondaient pas à ce que nous cherchions. Il nous a alors semblé évident que la 3D pouvait être une solution." 

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En 2013, le couple dépose, à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), son concept de moteur de recherche visuelle 3D, baptisé VyoO - "grosso modo un Google 3D", dit Lionel Le Carluer. "A l'époque nous résidions à San Francisco et nous avons eu l'occasion d'échanger avec les équipes techniques de Google, qui ont trouvé le concept assez amusant et qui nous ont dit : il y a un sujet", se souvient cet ancien banquier privé de 46 ans. Pour concevoir cet outil capable de reconnaître des objets à travers leur forme, leur volume et leurs dimensions, les Français imaginent un process informatique en trois temps : l'objet doit d'abord être filmé, puis son "identité visuelle 3D" est reconstruite et celle-ci peut enfin être comparée à une base de données et analysée. "Nous développons une technologie qui n'est que le prolongement de ce que votre oeil et votre cerveau font quotidiennement", résume le cofondateur. 

Le Québec, "La Mecque" tech

Après avoir mis au point un prototype en France, l'équipe se pose la question de "l'étape d'après". "Pour nous développer, nous avions essentiellement besoin de ressources, à la fois humaines et financières, et nous avons étudié les possibilités et avantages dans plusieurs pays, indique Lionel Le Carluer. Côté matière grise, nous cherchions des compétences dans les domaines de la vision par ordinateur et de l'intelligence artificielle. Ces deux ressources-là existent en France, mais beaucoup moins qu'au Québec, qui est LA Mecque pour ces technologies. Le Canada et le Québec sont également en pointe sur le financement de ces secteurs : il y a des crédits d'impôts très performants pour la R&D, un système de subventions très avantageux et une multitude de programmes pour les start-up. Sans compter que la recherche collaborative et le lien avec les universités fonctionnent extrêmement bien ici." 

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Après un voyage exploratoire de dix jours, qui leur permet de compléter leur connaissance de l'écosystème québécois et de lancer leurs premiers filets, les Français décident de franchir le pas. En août 2017, Lionel et Danaë s'installent donc à Montréal avec un permis de travail temporaire (1), avant d'être rejoint par Laurent en janvier 2018. En deux ans seulement (et notamment grâce à l'accompagnement de l'incubateur Centech), l'entreprise a développé des outils fonctionnels et commercialise sa marque, en B to B, dans trois domaines : l'industrie (pour permettre d'identifier l'état d'usure des machines, la reconnaissance de pièces ou l'analyse de défauts), la santé (pour prendre des mesures corporelles précises et réaliser, par exemple, des équipements orthopédiques) et le e-commerce, pour s'assurer que l'objet commandé (vêtements, chaussures, etc.) convient parfaitement à la morphologie du client. D'autres applications sont en cours de développement, dans le secteur de l'assurance (notamment pour l'expertise automobile en cas d'accident) ainsi que dans le bâtiment. 

Un développement fulgurant

La jeune pousse, qui a embauché son premier salarié en octobre 2017, en compte aujourd'hui 22, de huit nationalités différentes. Elle projette de doubler ses effectifs d'ici la fin de 2021 et va ouvrir un bureau en Europe et un autre en Asie en septembre prochain. Et ce n'est sans doute que le début... "La crise du Covid et la notion de distance n'ont fait qu'amplifier et accélérer l'intérêt pour notre technologie, fait remarquer Lionel Le Carluer. Les industriels ont besoin de permettre aux opérateurs d'être plus indépendants. Les professionnels de santé, eux, font de plus en plus de télémédecine et cherchent de nouveaux outils. Quant aux professionnels du commerce, il leur faut aussi trouver des alternatives aux boutiques, tout en offrant la possibilité aux clients d'être plus autonomes dans leurs commandes." 

Dopés par "les moyens et les savoir-faire" qu'ils ont trouvés au Québec, ces startupper expatriés apprécient également la simplicité et le pragmatisme des relations professionnelles dans la Belle Province. "Les gens vont plus rapidement à l'essentiel, il y a moins de blabla. D'ailleurs, l'un des reproches fait aux Français quand ils arrivent, c'est qu'ils mettent beaucoup trop de mots quand ils pitchent leur entreprise !", s'amuse Lionel Le Carluer.  

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Son conseil aux futurs entrepreneurs tentés par une implantation outre-Atlantique ? Se rapprocher d'un incubateur. "En tant que migrant, c'est un des modes d'intégration les plus efficaces pour maîtriser le tissu industriel, gouvernemental et financier. Il permet, à moindre coût, de profiter du réseau et des compétences des gens qui sont déjà là. Pour nous, Centech a été un accélérateur de particules : sans lui, il nous aurait fallu deux fois plus de temps pour arriver là où nous en sommes." 

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(1) Pour émigrer, les Français sont passés par le système du transfert intrasociété : c'est leur entreprise en France qui les a mutés au Canada 

 

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